Simon Limbres a 19 ans, cet âge où la vie est
un océan de possibles. Un océan dans lequel il nage avidement, amoureux,
passionné par le surf, exalté comme on l’est à l’aube de la vingtaine. Mais ce
matin là, Simon Limbres plonge dans un coma profond…
La question brûlante et douloureuse est là, se
tissant dans les couloirs d’un hôpital : Simon va-t-il faire don de ses organes
? Qu’aurait-il souhaité ?
Commence alors un voyage insoupçonné, celui
d’un corps qui s’éteint tandis que d’autres attendent d’être rallumés. Une
poésie subtile, un ballet de décisions à prendre, d’attentes et d’incertitudes…
Le livre de Maylis de Kerangal figure
probablement parmi les plus beaux romans ayant été écrits sur le don d’organes.
Le thème est délicat : comment l’aborder sans tomber dans la revendication, en
respectant le choix de donner ou de ne pas donner ? Comment l’aborder sans
mélodrame et avec sensibilité ?
Simon est au cœur du récit. Un jeune homme de
19 ans terriblement ordinaire : il aime le sport, il a une copine et une petite
sœur qu’il apprécie même s’ils se disputent souvent. Il s’est fait tatouer à
l’âge de 15 ans, affirmant son libre-arbitre par un motif inscrit à l’encre
noire dans sa chair. Il a une bande d’amis dont l’un possède un van, qui ouvre
la voie à toutes les libertés.
Mais un matin, après une session de surf dans
une eau glacée, le chauffeur du van se laisse bercer par la chaleur du
véhicule, et survient l’accident. Plongé dans un coma dépassé, Simon est mort
aux yeux de la science.
Mort, quand pourtant son cœur bat encore grâce
aux machines, quand sa peau encore chaude et rosée lui donne l’apparence de la
vie. C’est ce moment terrible où des parents anéantis doivent prendre une
décision qu’ils n’ont que quelques heures pour prendre : Simon aurait-il
souhaité donner ses organes ?
Dire oui, c’est reconnaître que Simon est
mort, une vérité impossible pour des parents qui viennent tout juste
d’apprendre son accident. Dire oui est un adieu, c’est admettre que Simon ne se
relèvera pas de son lit d’hôpital, c’est accepter que les médecins aient raison
quand ils affirment que son état est irréversible. Accepter la mort de son
enfant est-il seulement possible ?
Et puis, s’ils disent oui, que se passera-t-il
? A quoi ressemble cette grande inconnue du don d’organes ? Va-t-on démanteler
Simon comme on démonterait un appareil cassé pour récupérer les pièces qui
peuvent encore servir ? Dans quel état le rendra-t-on à sa famille ?
Maylis de Kerangal explore toutes ces
questions avec un langage plein de poésie et d’humanité. Des mots qui ne
cachent rien et ne mentent pas, tout en gardant une pudeur délicate.
« Réparer les vivants », c’est se dire que le
don d’organes ne représente pas, symboliquement, un morcellement du corps.
C’est plutôt concevoir le don comme autant de ramifications qui vont faire
exister Simon dans d’autres corps. Permettre à des malades de repousser
l’échéance fatale, de retrouver un nouveau souffle.
On suit tour à tour Simon, sa famille, sa
petite amie, les médecins du service de réanimation où il a été hospitalisé,
ceux des hôpitaux où des patients attendent une greffe, les malades pour qui
ces greffons représentent le seul espoir de survie…
« Réparer les vivants » n’est pas un plaidoyer
pour le don d’organes, ce n’est pas un livre qui cherche à vous faire
culpabiliser ou à glorifier l’acte de don. Mais c’est un livre très touchant
qui a le mérite de vous faire réfléchir sur le sujet.